
La critique d’art et l’artiste : duo inséparable ?
La critique d’art, qu’est-ce que c’est ?
« J’entends par critique d’art le genre littéraire autonome qui a pour objet d’examiner, d’évaluer et d’influencer l’art qui lui est contemporain. »A. Dresdner
La critique d’art, comme genre littéraire à part entière, apparait au milieu du XVIIIe siècle, peu avant Diderot. Cependant, le procédé de décrire les arts et de les commenter, est une réflexion que l’on retrouve dès l’antiquité dans de nombreux textes écrits par Platon ou encore Cicéron. Les paroles d’Albert Dresdner citées plus haut, permettent des précisions pour définir la critique d’art. ils décrits trois actions pratiquées par le critique d’art. La première mission de ce dernier, consiste à examiner les œuvres. Cela comprend leur description et leur placement dans le temps et dans l’histoire. Ensuite, le critique d’art doit évaluer les œuvres. par rapport à des questions esthétiques, par exemple qui font souvent vivement débat. Il se doit de questionner l’intérêt de goût du public, les questions qui peuvent être soulevées. Ils se basent sur les opinions, et sur les différents discours soulevés par l’objet d’art. Enfin, le critique à pour rôle d’influencer l’art de son temps. Il doit alors dépasser les goûts personnels pour pouvoir influencer le cours de l’histoire de l’art.
On parle beaucoup de modèle français de la critique d’art. La France a disposé pendant longtemps d’un statut culturel qui a rayonné à l’international, ce qui donne naturellement aux critiques d’arts français une place prédominante, et donc, une importance privilégiée. Le critique d’art est le premier interlocuteur des artistes. Quel est le lien entre le critique et l’artiste ? Comment ces liens ont-ils pu évoluer à travers le temps ?
La critique d’art : origine et évolution
La particularité de la critique d’art, c’est qu’elle constitue un genre littéraire à part dans le paysage littéraire. À l’échelle de l’Europe, la France est le pays qui a manifesté le plus d’intérêt pour le domaine de l’écriture de l’art. On peut parler d’une exception française. Ce genre se constitue véritablement au début du XVIIe siècle, avec l’action d’hommes de lettre qui écrivent et commentent les arts pour les académies. Mais c’est réellement au cours du XVIIIe siècle que de grands noms de la critique d’art marquent l’histoire comme l’Abbé Du Bos de Caylus par exemple. Toute cette génération d’intellectuels participe à faire surgir une nouvelle littérature à Paris sur le domaine des arts. Les conférences de l’académie des arts deviennent fréquentes après 1747. Ces rencontres, qui favorisent l’échange, ont permis d’installer une osmose entre la langue des arts et celle de la littérature. Le Salon officiel de l’Académie royale a réellement introduit la critique d’arts dans le milieu intellectuel. Le salon était un lieu de rassemblement important. Il représentait un refuge loin des discussions politiques et du régime monarchique en vigueur. Entre la langue et les arts, une symbiose s’opère alors, la prise en compte du point de vue subjectif et l’opinion du public deviennent des sources d’informations précieuses pour comprendre et aborder une œuvre. La critique d’art de Diderot relève d’une grande importance dans sa diffusion, on voit ainsi les critiques se multiplier dans la presse, les livres.
La critique d’art se retrouve être un enjeu essentiel des arts qui évolue avec la société et les arts visuels. Le siècle suivant, au XIXe siècle, Stendhal apporte une nouvelle notion clé à ce genre littéraire : la mise en avant de la liberté de la critique. Ainsi, il écrit un compte rendu du salon de 1829 au Louvre sans documentation, sans connaitre les artistes, mais simplement avec son œil aiguisé. Stendhal affirme : « dire avec franchise et simplesse, ce que je sens sur chacun des tableaux qu’il honorera de son attention ».
Concernant la fiction, la question ne se posait pas dans le genre littéraire de la critique d’art. Les comptes rendus de critique se limitait au contexte du salon ou de l’exposition, de la description à la réflexion. Pourtant, Joris-Karl Huysman remet cette certitude en question. Il publie ainsi des chroniques artistiques inscrit dans un cadre réel, mais empreint à la fiction. En effet, il se base sur deux pôles : un référentiel et un fictionnel. Ces critiques sont de nature hybride. Il met en fiction sa propre expérience de spectateur. Jean Foyard nommait ce procédé la fiction déambulatoire.
Artiste et critique, entre conflits et amitiés passionnelles
Les critiques d’arts évoluent au contact des artistes, comme je l’ai dit plus haut. Les deux semblent être lier et avancer ensemble de manière plus ou moins proche. Certains artistes ont essuyé des critiques très négatives a l’égard de leurs travail. C’est le cas de Cy twombly à New York par exemple. L’artiste était très violemment critiqué aux Etats-Unis mais a suscité une forme d’intérêt par les commerçants de l’art européens. Il en est de même pour Yves Klein qui n’a pas attiré les foules au début de sa carrière, suite a une exposition aux Etats-Unis. Le critique possède réellement le rôle de guide pour l’opinion publique en faveur d’un artiste ou non. Les relations entre la théorie et la pratique se déclinent différemment. Nous pouvons aborder une relation iconique entre un artiste et un critique d’art, il s’agit de la relation amicale entre Pierre Restany et Yves Klein. Une question revient sans cesse : Entre ces deux personnages, est-ce l’artiste qui a fait le critique ou bien l’inverse ? Leur relation a mené à une complémentarité exceptionnelle. Les Idées d’Yves Klein ont réussi à trouver une forme de résonnance auprès du public grâce aux écrits de Pierre Restany qui permettait de les diffuser de manière claire et limpide. De même Yves Klein à apporter au critique une nouvelle manière de voir le monde, de considérer l’immatérialité de la couleur comme essence même du réel.
à travers leurs relation, à découlé le mouvement du nouveau réalisme, qui a eu une portée international et qui a marqué l’histoire de l’art. A travers cette relation on se rend compte que le rôle du critiqueest d’être aux cotés des artistes et d’évoluer avec ces derniers.

Quand l’artiste devient critique
Ce qu’on remarque, c’est une modification des fonctions pour l’artiste et pour le critique d’art. D’abord, le critique d’art cumule généralement sa fonction avec la fonction de curateur. Ensuite, l’artiste peut aussi devenir critique. C’est cette modification de statut qui m’intéresse ici. En effet, l’artiste peut, désormais être le propre critique de son travail. Bien entendu, l’autocritique change beaucoup de chose au style d’écriture, et la critique à pour objectif de faire comprendre la démarche artistique d’une œuvre. Elle ne met pas en avant les points négatifs ou les éventuelles questions qui peuvent rester en suspend. Le rôle de l’artiste semble être devenu hybride, mais son travail d’autocritique peut manquer de recul. Naturellement, ces modifications de statuts transforment les relations entre artistes, critiques et commissaires d’expositions. Daniel Buren, en est un bon exemple. Daniel Buren a publié un texte dans le magazine Art Press avec Joseph Kosuth, un artiste conceptuel américain. La partie écrite par Buren est d’une violence inouïe. Ce dernier porte une critique sur le travail d’Yves Klein. On a pu reprocher à Daniel Buren une forme de mauvaise foie, et presque une illégitimité à réaliser cette critique. La critique faite par l’artiste peut parfois diviser ou être contester.
« Je pense qu’il vaut mieux passer sur le mysticisme de Klein qui n’a pour moi strictement aucun intérêt et sur la mégalomanie — tare très répandue dans le milieu — qui lui fit croire qu’un certain bleu lui appartenait ! »D. Buren

La critique d’art est un genre littéraire spécifique qui apparaît comme une spécificité française. Le rôle du critique d’art est important, je dirai même essentiel dans l’évolution des tendances artistiques, mais aussi dans l’influence de l’opinion publique concernant une œuvre ou un artiste. Depuis les années 1980, le rôle du critique d’art et celui de l’artiste ont évolué. Ils se sont modifiés, transformés, hybridés. Dans le cas de l’artiste-critique, le duo qui réunissait le critique d’art et le plasticien n’existe plus. Ce duo n’apparait donc pas comme essentiel à la diffusion d’une œuvre d’art. Il est soumis aux transformations du monde de l’art.
Bibliographie & Sitographie
[Article] BUREN Daniel et KOSUTH Joseph, Les outils d’Yves Klein, art Press Magazine n°67, 1983
[Article] JEANNEROD Aude, Le genre de la critique d’art chez J.-K. Huysmans : fiction ou non-fiction ?, Revue d’histoire littéraire de la France, 2011
[Article] LAVEZZI Elisabeth, Remarques sur la critique d’art au XVIIIe siècle, Revue d’histoire littéraire de la France, 2011
[Article] VOUILLOUX Bernard, Les trois âges de la critique d’art française, Revue d’histoire littéraire de la France, 2011
[Livre] PERIER Henri, Pierre Restany : l’alchimiste de l’art, Cercle d’art, 1998