« Pourquoi la photographie devrait-elle rester accrochée au mur ? » – D.Singh

Ça, c’est une très bonne question. Jusqu’à preuve du contraire, il n’existe pas, à priori, de règles concernant la place et l’exposition d’une photographie.
Dayanita Singh, photographe indienne, insiste grandement sur cette idée à travers son travail. Elle s’interroge sur cette notion, et fait le pari de faire de ses clichés, des éléments narratifs. Ses œuvres photographiques prennent ainsi la forme de livre, de roman graphique libre de toutes interprétations littéraires, écrite.
La seule puissance des images s’exprime autour d’une narration visuelle bien rodée. La série qui m’intéresse ici et avec vous, c’est bien évidemment celle que j’ai eu l’occasion de découvrir de mes propres yeux. Je parle de l’exposition House of Love, exposée récemment au Centre Pompidou à Paris et que j’ai découvert au Musée de l’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg. C’est une série d’une trentaine de photographies qui prennent place et s’étirent dans un coin, entre deux grands murs sombres. Disposées de manière éclectique, « La Maison de l’Amour » en français, est à la base un roman visuel dans lequel les images s’expriment, créant des dialogues, des connexions ou des différences plus ou moins fortes. Ce qui surprend, c’est bien entendu le travail sur la couleur, le mouvement. Des clichés qui représentent une année de moments vécus et immortalisés par Dayanita Singh.
Des scènes de vie quotidienne, rendues inaccessibles et fictives par des jeux de lumières intenses, des couleurs tranchées et saturées : du rouge, du bleu, du rose qui entre en cohésion de manière à la fois cohérente et étrange. Les scènes indiennes sont d’une douceur onirique, bruyante, mystérieuse et secrète. Cette notion d’intimité, légère et fragile, capturée dans des lieux souvent publics, nous plonge dans une poésie frénétique.


La disposition de l’ensemble des photographies met en avant un élément intéressant. Chaque cliché dispose d’une certaine autonomie. D’une certaine manière, il se suffit à lui-même. Pourtant, face à l’ampleur et face à la force de l’ensemble de l’exposition, il est impossible pour nous, spectateurs, de nous détacher complètement du groupe d’images.
Dayanita Singh nous transporte dans un voyage sensoriel qui se veut intense et coloré.