Habiter le monde par le sensible
La rencontre et l’échange sont deux notions qui habitent mes recherches. Je nourris l’idée que les pièces emprisonnent des consciences immatérielles que nous, spectateurs, pouvons percevoir.
Par ce biais, une œuvre d’art contemporain est un pont entre le matériel et l’immatériel, une conjonction des temporalités, une réunion du moi et des autres au travers d’un objet, souvent résultat de toute une vie de recherche : c’est précisément cet axe de réflexion que j’ai décidé de défendre, celui qui est, dans toutes ses dimensions : matière, politique, héritage, humanité.
Je place mes travaux d’écriture entre le genre de la nouvelle, celui de la critique d’art et de l‘outil de médiation en cherchant à prolonger les œuvres pour transmettre des clés de compréhension poétiques, plus ou moins complexes, face à des univers plastiques hétéroclites. Je m’attache à raconter des histoires affectives pour comprendre comment les artistes de notre temps habitent le monde.
D’après le philosophe Heidegger, habiter le monde serait la “manière dont les humains, mortels, sont sur terre.” Les artistes, par leurs recherches plastiques, conscientisent cette existence pour lui conférer un propos qui dépasse la matière et leur propre personne. Les écrits sur l’art se doivent, à mon sens, de refléter ces dynamiques qui composent les œuvres.
Trajectoire
narration
TRACER, ENSEMBLE, DE NOUVEAUX HORIZONS ÉMOTIONNELS
A travers différents médias, je construis des outils d’écriture narratifs et assumés pour tendre vers une empathie poétique par l’usage de différents leviers empruntés aux sciences humaines et à la littérature. Les pronoms personnels je, nous et leurs usages dans l’écriture sur l’art sont, à mon sens, tous deux à privilégier face à la construction d’un argumentaire impersonnel, suggérant une objectivité douteuse par l’utilisation d’un il mal nommé. Assumer ma subjectivité, au plus près de la vision d’un et d’une artiste, serait l’une des clés principales pour sortir d’une écriture aseptisée et faire de mon je, non plus une marque qui viendrait fausser une pensée, mais bien un point de vue affirmé, transposé en réelle machine réflexive.
Ma démarche trouve un écho à la notion de l’écouter-voir. Son analyse en sciences sociales met en exergue l’opposition entre conception et perception. L’écouter-voir serait un outil permettant la construction d’un propos empirique, appuyé sur l’expérience plutôt que la théorisation. Au travers de la sociologie narrative, cette notion n’est plus décrit comme un cadre, mais plutôt comme un pont permettant de passer du je au nous. Le je se situe alors dans l’observation directe et le nous trouve ainsi sa place dans l’action plus éloignée.
Écrire sur l’art autrement apparaît comme une nouvelle occasion de transmettre des connaissances en veillant à rester accessible pour toujours mieux démocratiser l’art contemporain, en menant parallèlement une double action : celle de se rapprocher du réel, du quotidien en ouvrant la porte à l’imaginaire. La narration et le travail descriptif permettraient alors d’atteindre différentes strates de lecture.
En d’autres termes, il s’agit de faire de l’atmosphère dans la critique d’art, pour y construire des portes sensibles et jouer, déjouer par le jeu, la langue et le nous.
Je cherche à faire d’une production plastique, non plus un élément étranger à nos constructions personnelles et collectives, mais bien une impression affective, de confort vers l’inconnu : faire de l’art contemporain une chambre d’amis. Raconter l’artiste par l’œuvre, le sensible. Saisir et dire les manques, de voix à voix, de mots à mots, en relever des fragments à portée universelle pour générer de la matière. J’écris pour créer des plans à activer collectivement, pour qu’un nouveau réel émerge.