Exposition artistique dans le métavers : innovation ou déception ?

J’ai participé à une brève conférence donné par une entreprise qui propose aux artistes de créer leur espace d’exposition interactif dans le métavers. Très clairement, je ne voulais pas y aller. Mais après que la personne est un petit peu insisté en me transmettant cette invitation, je me suis dit pourquoi pas et j’ai cédé. Et ce qui était annoncé comme une expérience immersive sans limite s’est rapidement transformé en une désillusion totale.

Spoiler : la chute est rude. Restez avec moi, ça va piquer…

Métavers : contexte et promesse initiale

Tout commence par une promesse alléchante : une conférence qui invite les artistes à créer leur propre exposition interactive dans le métavers. En clair, embarquer dans une aventure présentée comme le futur du marché de l’art.

Avec cet argument clé : contourner les contraintes des galeries traditionnelles et s’affranchir des barrières géographiques.

Mais très vite, un doute s’installe. Vendre sans contrainte géographique ? C’est déjà une réalité avec les plateformes d’art en ligne. Et puis, les discours révolutionnaires me rendent toujours un peu méfiante. Je m’attendais à du neuf, mais certains arguments frôlaient plutôt la déconnexion totale avec la réalité du secteur…

Des Arguments Marketing en Déclin

L’ambiance tant promise – une immersion futuriste – se révèle bien loin de l’utopie annoncée. L’expérience, qui se voulait à la pointe de la technologie, évoque davantage les environnements des années 2000, avec une touche de nostalgie forcée. Les discours affichent des chiffres impressionnants et vantent des arguments forts, tels que la suppression des frais de galerie (normalement nuls en l’absence de vente) et une visibilité démultipliée grâce à la vente en ligne. Pourtant, une analyse plus fine montre que ces arguments reposent sur des bases plus que fragiles.

« 25 % des personnes passeront 1H par jour dans le métavers en 2026 »

Cette statistique, fréquemment utilisée dans les présentations marketing, apparaît sans aucune source fiable ni méthodologie claire. Avancer que 25 % de la population utilisera le métavers pendant une heure par jour manque de contexte et généralise abusivement des usages souvent ludiques à des applications artistiques. En réalité, le simple fait de passer du temps dans le métavers ne garantit pas une réceptivité aux expositions culturelles, qui nécessitent une immersion et une interaction bien spécifiques.

« Aujourd’hui tout le monde veut un compte Instagram, dans 5 ans, tout le monde voudra un espace 3D »

Ce slogan extrapole la popularité d’Instagram pour prédire une adoption massive des espaces 3D. Pourtant, comparer une plateforme en 2D à une expérience immersive en 3D est une analogie simpliste qui néglige les différences technologiques, interactives et de contenu entre ces deux mondes.

et puis, 5 ans c’est loin. Les besoins des secteurs culturels ne sont pas dans 5 ans, mais bien maintenant, aujourd’hui. À mon sens, on ne peut prétendre à l’innovation quand un secteur lutte déjà pour sa survie.

« Participer à un vernissage virtuel est bien plus respectueux de l’environnement que de se déplacer dans un lieu physique »

Bien que séduisant à première vue, cet argument se révèle être du greenwashing. En opposant naïvement le déplacement physique – souvent critiqué pour son empreinte carbone – à un événement virtuel, on oublie de prendre en compte l’impact environnemental des infrastructures numériques (centres de données, réseaux, etc.). La réalité est plus complexe, et cet argument simpliste ne couvre pas l’ensemble des enjeux écologiques.

Une petite dernière pour la forme ?

« Les Américains innovent, les Chinois copient et les Européens réglementent »

Ce cliché géopolitique, utilisé pour caractériser la dynamique mondiale du numérique, se résume à des stéréotypes qui manquent de profondeur. Il ignore la réalité nuancée dans laquelle innovation, imitation et régulation se manifestent différemment selon les secteurs et les contextes. Plutôt qu’un argument solide, cette phrase accrocheuse se contente de renforcer un discours marketing sans véritable substance.

Métavers : les limites et les les défis

En somme, derrière l’emballage séduisant des promesses métavers se cache une réalité bien moins révolutionnaire. Si l’idée d’un espace d’exposition en 3D offre des perspectives intéressantes, les arguments avancés pour la soutenir ne fonctionnent pas.

Des possibilités curatoriales

Pour l’instant, le rendu ne parvient pas toujours à créer l’émotion ou l’immersion escomptée. 

Pour moi, il ne s’agit pas de reproduire mécaniquement un espace 3D en « collant » des tableaux ou en disposant des sculptures comme on le ferait dans une vitrine numérique. Ce procédé manque de profondeur et de chaleur, et ne rend pas justice aux démarches artistiques qui méritent d’être vécues et ressenties.

Le métavers pourrait, en effet, révolutionner la manière dont nous percevons une exposition, mais il doit d’abord dépasser cette approche superficielle pour offrir une véritable réinterprétation des espaces d’exposition, en intégrant le potentiel narratif et interactif de la technologie.

Le défi n’est pas seulement technique, il est aussi curatorial. Le métavers pourrait devenir un véritable terrain de jeu curatorial, capable de transformer une exposition en une expérience sensorielle et interactive unique, où les œuvres ne se contenteraient pas d’être simplement affichées, mais dialogueraient avec les spectateur.ice.s de manière innovante.

Alors, pour ou contre ?

Bien que le concept du métavers présente un potentiel indéniable, il est crucial de distinguer l’idée d’innovation de son application concrète. Cette situation soulève des questions sur la pertinence d’investir dans le métavers pour les artistes, aujourd’hui.

Et ma réponse est claire : investir actuellement dans le métavers est prématuré. Les coûts élevés associés à la création d’expositions virtuelles interactives, combinés aux défis techniques et à la nécessité d’une expertise spécialisée, font que le métavers relève davantage du gadget que d’une stratégie solide pour s’implanter durablement dans le monde de l’art.

Néanmoins, cette situation ouvre la discussion sur les évolutions possibles de l’exposition artistique et sur la manière dont le numérique pourrait, à terme, repenser l’interaction entre le public et l’art.

Conclusion

En somme, bien que le métavers offre des perspectives intrigantes pour l’exposition artistique, les promesses actuelles ne correspondent pas encore aux attentes.

Les expériences immersives proposées manquent souvent de profondeur et d’authenticité, et les arguments marketing semblent parfois déconnectés des besoins réels des artistes et du public.

Il est donc essentiel d’aborder ces innovations avec discernement, en reconnaissant leur potentiel tout en étant conscient de leurs limites actuelles. Avec le temps et les avancées technologiques, le métavers pourrait redéfinir l’interaction entre l’artiste et le spectateur.

Mais cette affirmation reste au conditionnel.