Artistes au RSA : 15h de travail, nouvelle réforme

Depuis le 1er janvier 2025, la réforme du RSA s’applique partout en France. Sa mesure phare ? L’obligation d’activité de 15 heures par semaine pour les bénéficiaires. Présentée comme une avancée, elle laisse presque entendre que la précarité serait un choix de vie et non une réalité sociale bien ancrée…

En pratique, cette réforme impose aux plus précaires de justifier leur droit à une aide sociale. Et bien sûr, sous peine de sanctions. Parmi les grand·es oublié·es de cette belle mécanique administrative ? Les artistes, évidemment.

La CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’humain) a d’ailleurs déjà tiré la sonnette d’alarme. Cette réforme risque d’aller à l’encontre des droits fondamentaux, notamment à cause des sanctions prévues pour celles et ceux qui n’entreraient pas dans les cases. Déjà, le contrat d’engagement réciproque (CER) imposait un cadre strict. Désormais, la surveillance augmente.

De mon côté, je n’ai pas de baguette magique (sinon, je l’utiliserais déjà, croyez-le bien). Mais en tant qu’ancienne référente RSA spécialisée dans l’accompagnement d’artiste, j’ai côtoyé de près les galères et les absurdités du système. Alors, autant partager quelques conseils pour vous aider à naviguer entre paperasse et création sans trop y perdre de plumes.

Et donc ?

De mon côté, je n’ai pas de baguette magique (sinon, je l’utiliserais déjà, croyez-le bien). Mais en tant qu’ancienne référente RSA spécialisée dans l’accompagnement d’artiste, j’ai côtoyé de près les galères et les absurdités du système. Alors, autant partager quelques conseils pour vous aider à naviguer entre paperasse et création sans trop y perdre de plumes.

RSA : une réforme nouvelle… mais déjà testée

Avant d’être imposée partout en 2025, cette réforme du RSA « sous conditions » avait déjà été testée dans plusieurs départements. Dès mars 2023, 18 territoires se sont lancés dans l’expérimentation, instaurant une obligation d’activité de 15 à 20 heures par semaine pour les bénéficiaires. En mars 2024, le dispositif s’est encore élargi à 29 nouveaux départements, portant le total à 47 territoires avant la généralisation nationale.

L’objectif affiché ? Encourager la réinsertion professionnelle en associant le versement du RSA à des heures d’activité obligatoires. Concrètement, ces heures peuvent inclure des formations, du bénévolat, des stages ou des ateliers d’insertion. Mais sur le terrain, la mise en œuvre a souvent été plus floue et inégale d’un département à l’autre.

Pour celles et ceux qui vivent d’une activité artistique indépendante, cette réforme semble déconnectée de la réalité. Un peintre, une photographe, un·e musicien·ne ou un·e auteur·rice passent déjà des heures à créer, rechercher des financements, développer des projets… Et ces activités ne rentrent pas toujours dans les cases administratives, elles risquent de ne pas être reconnues comme des « heures d’activité » par les organismes chargés du suivi.

Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

Votre situation d'accompagnement

À partir du 1ᵉʳ janvier 2025 également, chaque bénéficiaire du RSA doit obligatoirement s’inscrire à France Travail. Une fois inscrit·e, un organisme référent est chargé de réaliser un bilan personnalisé. Cet organisme peut être France Travail, une mission locale, Cap emploi, un conseil départemental, ou un organisme délégataire…

L’objectif ? Proposer un accompagnement sur mesure, avec un contrat d’engagement qui définit des objectifs d’insertion sociale et/ou professionnelle.

Pour les artistes, la situation est particulière. Leur parcours d’insertion ne correspond pas  aux modèles traditionnels. Certains·nes bénéficiaires peuvent être orienté·es vers des structures spécialisées ou des associations d’artistes qui connaissent bien les spécificités du métier. Ces structures ont une bonne compréhension des réalités du secteur, et tout se passe généralement bien. Cependant, ce n’est pas toujours le cas.

Beaucoup d’artistes se retrouvent à suivre un accompagnement qui ne répond pas à leurs besoins. Certains·nes sont alors pris·es en charge par des conseillers qui ne connaissent pas la réalité du secteur artistique ou les spécificités du statut d’artiste-auteur. C’est là que les difficultés peuvent surgir.

Des Obstacles à Franchir

Donc, comment justifier les 15 heures d’activité exigées ? Beaucoup d’artistes travaillent sur des projets personnels qui ne sont pas toujours rémunérés, ni reconnus comme des activités professionnelles classiques. Ces heures peuvent être difficiles à comptabiliser et à valider administrativement.

Les démarches administratives peuvent également être un frein. Elles prennent du temps et peuvent s’avérer contraignantes, surtout lorsqu’elles entrent en conflit avec le temps passé en atelier.

Enfin, il y a le risque de devoir accepter des activités éloignées de son domaine de création pour remplir les obligations du RSA. Un artiste qui doit se plier à des tâches qui n’ont rien à voir avec son travail risque de perdre du temps (et bien plus).

Mes Conseils pour les artistes bénéficiaires du RSA

Une histoire de communication

La communication est essentielle. Je m’adresse particulièrement aux artistes-auteurs qui ne bénéficient pas d’un suivi dans une structure spécialisée. Votre référent·e ne connaît probablement pas la réalité de votre métier, ni les spécificités du statut d’artiste-auteur. En arrivant dans son bureau, évitez de paniquer et de donner des informations incomplètes. Cela peut entraîner des incompréhensions et des situations délicates à gérer. Vous êtes les seuls·es à pouvoir expliquer votre situation. Prenez donc le temps d’informer correctement votre interlocuteur·rice sur votre réalité professionnelle.

Constituez des preuves de votre activité

Rassemblez différents documents pour justifier de vos activités artistiques. Cela peut inclure des dossiers de candidatures pour des résidences ou des appels à projets, des documents indiquant vos heures de travail et leur nature, ou des preuves de partenariats. Un bail d’atelier ou des factures pour des ventes d’œuvres ou des animations d’ateliers artistiques peuvent également être utiles. Ces documents vous permettront non seulement de soutenir vos propos, mais aussi de gagner en confiance lorsque vous devrez expliquer votre situation, surtout face à une personne qui peine à comprendre la charge de travail propre à votre activité.

Cherchez des solutions adaptées aux 15 heures de travail

Si vous êtes tenu·e de remplir les 15 heures d’activité requises par le RSA, cherchez des solutions qui s’intègrent à vos projets. Par exemple, si une formation est nécessaire, elle doit être en lien avec votre domaine artistique. Si vous êtes membre d’un collectif, soulignez que vous participez à des projets bénévoles. Vous pourriez également vous investir dans une association culturelle pour que vos activités professionnelles rejoignent les obligations administratives. L’idée est d’adapter vos engagements à ce qui vous passionne, tout en respectant les critères exigés.

Si la situation devient trop complexe, demandez du soutien

Certaines situations sont particulièrement complexes et décourageantes. Si vous vous retrouvez dans un bourbier administratif, ne paniquez pas. Si la situation devient difficile à gérer avec votre référent·e, il existe des structures d’accompagnement qui défendent le droit des artistes, comme La FRAP, les syndicats d’artistes ou d’autres associations spécialisées. N’hésitez pas à demander à votre référent·e de prendre contact avec ces structures pour mieux comprendre les obligations et obtenir du soutien.

Gardez votre calme, et prenez du recul

Ce conseil peut sembler anodin, mais il est crucial. Beaucoup de situations sont compliquées par la panique des artistes. L’administratif peut être long et fastidieux, mais avec une communication claire et un esprit calme, des solutions peuvent être trouvées. Si vous avez du mal à organiser vos idées ou à gérer vos émotions, préparez-vous à l’avance. Envoyez un e-mail avant votre rendez-vous, prenez des notes sur les questions à poser, et prévoyez un temps pour exprimer vos angoisses avant de passer aux aspects plus pratiques. Cela vous permettra de garder le cap et de communiquer votre situation de manière claire et efficace.

Conclusion

Rappelez-vous : la clé, c’est de bien communiquer, de se préparer et de trouver des solutions adaptées à votre réalité d’artiste.

Bien sûr, cette réforme, même si elle cherche à faciliter la réinsertion professionnelle, soulève des questions. Il y a encore beaucoup d’incertitudes et des réponses qui se font attendre.

Les mois à venir seront déterminants. Ce sera l’occasion de voir comment cette réforme se met en place et si des ajustements sont possibles pour mieux prendre en compte la diversité des parcours artistiques. En attendant, restons attentifs, solidaires et prêts à défendre ce qui fait sens pour nous.